Infection: 5

    La petite boule poilue produisait un gémissement semblable aux pleurs d'un bébé. Si la situation n'avait pas été aussi horrible, les vagissements apitoieraient l'équipe médicale.

    Mais le cocon avait enflé démesurément, trop rapidement. C'était inquiétant, car la membrane translucide laissait deviner plusieurs silhouettes d'insectes au stade de larves. Combien cet oeuf pouvait-il contenir de frelons transgéniques ?

    Le docteur Arnot hésitait à jeter de l'acide sur le cocon, pour détruire toute la progéniture infernale, au moment où l'insecte-mère pénétra par sa narine, se fraya un chemin jusqu'à son cerveau, et paralysa ses fonctions vitales, sans que qui que ce soit n'ait eu le temps de réagir.

    Le médecin, dont le visage était crispé, asymétrique, la mâchoire décrochée, bavait sur sa blouse, incapable de respirer. Il s'effondra sur le linoléum, la pipette d'acide à la main.

    Le liquide corrosif se déversa sur sa jambe, qui s'enflamma aussitôt, et l'odeur des chairs brûlées rendit l'atmosphère irrespirable. Des sillons se creusaient dans sa chair. Des cloques se formaient. Dieu merci, Arnot avait sombré dans l'inconscience, et lorsque l'insecte tueur dévora sa cervelle, il ne souffrit plus. 

    La présence du médecin mort, le danger de l'acide renversé, les oscillations du cocon délaissé, tout faisait peur. Le personnel n'osa plus rentrer dans le théâtre du drame, dont la porte fut bloquée.

    Ce fut dans ces vapeurs nauséabondes, à travers le crépitement de la putréfaction du cadavre, que naquit la portée. Mille nouveau-nés, aux ailes translucides, au dard effilé, à la morsure mortelle. Des tueurs en puissance, qui cherchèrent à se glisser par le trou de la serrure, refusant la dépouille offerte du médecin qui aurait pu -à ce stade- arrêter la propagation de la menace; car l'acide avait gâté le goût de la chair humaine.