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Le blog de Cendrine BERTANI

Le parcours d'une jeune romancière confrontée au monde de l'édition.

Noir comme le lait ( 1 )

Publié le 9 Juin 2010 par Cendrine BERTANI in Nouvelles

 

 

  • Maman?

  • Quoi mon lapin ?

  • Pourquoi est-ce que Papa ne veut pas m'acheter un petit frère ?

  • Il a du t'expliquer que les enfants ne s'achètent pas ...

  • Bof, les lapins, on en trouve bien dans les magasins. Et toi, tu n'arrêtes pas de m'appeler mon lapinou ...

  • C'est une façon de parler.

  • Et puis, l'autre jour, dans mon dessin animé, il y avait une petite fille, elle attendait qu'on vienne l'acheter. Elle se faisait belle pour que des parents la choisissent...

  • Ce devait être une orpheline. Tu sais, une enfant qui n'a plus personne pour s'occuper d'elle. Elle avait sûrement des parents avant. Elle les aura perdus...

  • C'est possible, ça ? Comme quand j'ai perdu Doudou-Chien ?

  • Pas tout à fait. Ses parents sont peut-être morts, alors on a placé la petite fille dans un orphelinat, pour que d'autres gens viennent l'adopter.

  • Morts ? ... Même les parents peuvent un jour dormir pour toujours ?...

  • Oui...

  • Bon, d'accord. Mais puisque des parents peuvent acheter cette petite fille, pourquoi papa ne veut pas m'en offrir une ? Elle avait l'air gentille, la fille du dessin animé. Je l'aurais bien prise pour soeur.

  • Les enfants ne sont pas à vendre, chéri. On peut parfois les adopter. Mais de toutes façons, papa et moi, nous n'avons pas l'intention d'adopter qui que ce soit.

  • Pourquoi ?

  • Parce que nous avons déjà un petit bonhomme de cinq ans adorable, même si tu es parfois trop curieux. Cela nous suffira.

  • Toi non plus, tu ne veux plus d'autre enfant ?

  • Ce n'est pas si simple.

  • C'est à cause de Gaëtan ?...

  • Ne... je ne veux plus que tu parles de lui, compris ?

  • Mais...

  • Ecoute, mon poussin, je sais que tu ne penses pas à mal, mais tu dois comprendre que c'est trop dur pour maman...

  • Mais il a été mon frère, quand même ? Je sais qu'il n'est pas resté longtemps... Mais ça compte ?

  • Evidemment...

  • Maman ?...

  • ...

  • Ne pleure pas...Je ne voulais pas te rendre triste.

  • Je sais. Ecoute, ça va passer. Laisse-moi juste le temps de me calmer.

  • Tu veux que j'appelle papa ?

  • Non, surtout pas. Il n'aime pas quand je craque. Et toi... ne lui dis pas, d'accord ?

  • Ce sera notre secret, promis.

  • J'essaie d'être forte, mais c'est dur.

  • C'est pour ça. Je pensais que si on remplaçait Gaëtan, comme on a remplacé Réglisse quand il s'est fait écraser, ça t'aiderait...

  • Ca ne marche pas comme ça, Ludo. Regarde. Même si Séraphine est une chatte super sympa, on ne peut pas dire qu'elle soit aussi propre que Réglisse l'était, non ?

  • T'as raison. Hier encore, je l'ai vu fouiller dans la poubelle de la cuisine, et elle a mangé un vieux bout de viande dégoûtant.

  • Tu vois. Pourtant, on lui donne des croquettes.

  • Tu souris. Tu te sens mieux, maintenant ?

  • Un peu. Attrape-moi un mouchoir sur la table, veux-tu ?

  • Tiens !

  • Mon grand... Un animal ne s'oublie pas, mais on peut quelquefois lui trouver un remplaçant. Un enfant...

  • Oh, maman. Viens faire un câlin ! Pardon. On n'a qu'à oublier ce que je t'ai dit.

  • J'aimerais bien, mon Ludo. Je vais essayer de faire comme si je n'avais rien entendu. Mais le problème, c'est que ce n'est pas facile.

  • Désolé.

  • On oublie...

  • Tu sais, c'est Tatie Vivi qui m'a donné l'idée.

  • Quelle idée ?

  • Eh bien, de vous faire penser à acheter... enfin, à adopter un autre enfant.

  • De quoi elle se mêle ?

  • Elle m'a dit dimanche: puisque tes parents ne peuvent plus avoir d'enfant, pourquoi est-ce qu'ils n' accueillent pas un orphelin ? Ca les aiderait à surmonter leur chagrin...

  • Ah oui? Qu'est-ce qui lui a pris de t'en parler ? Les gens croient bien faire... Elle ferait mieux de garder ses conseils.

  • Moi j'ai trouvé que c'était plutôt une bonne idée. Je veux dire... Vous aviez l'air heureux, sur les photos, au début, quand Gaëtan est né...

  • Nous n'aurons plus d'autre enfant, c'est tout.

  • Mais...

  • Tu seras notre seul petit chéri. Voilà.

     

    Elle ébouriffa la tête de son petit garçon en refoulant ses larmes, gagnée par l'émotion. Comme toujours. Quand on évoquait devant elle la mort, et qu'elle se sentait presque coupable d'être en vie.

    La jeune sève qui nourrissait le corps de cet enfant si beau – son fils – était porteuse d'espoir. Ludo était tout ce que son frère ne serait pas. L'aimerait-elle pour deux ? Ne serait-ce pas trop ?


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